Ceux qui me connaissent un peu savent mes goûts parfois un peu contradictoires pour l’art et les polars, le street-art et le luxe, les ruines et la déco, la botanique et la nature humaine, la ville de Pau et le web. Le point commun à tout cela ? Sans doute la part de romance et de mystère que chaque thématique possède.
Avec Paule Danjou qui a croisé mon chemin post-mortem, j’allais être servie. Laissez-moi donc vous raconter mon histoire avec cette artiste décédée en 1993 que je n’ai jamais rencontrée, mais dans l’atelier de laquelle j’ai dormi pendant 4 ans. Je préfère vous prévenir tout de suite que cette histoire comporte à l’heure où j’écris de nombreux blancs, mais je suis persuadée que ceux-ci se combleront au fur et à mesure que mon enquête avancera. Et je compte bien sur la force d’internet et la curiosité des lecteurs qui tomberont sur cet article pour éclaircir peu à peu le mystère, et pourquoi pas, grâce à vous, rendre un jour hommage à cette artiste qui a vécu à Pau une grande partie de sa vie, que personne ne connaît vraiment et que beaucoup pourtant semblent avoir croisé à un moment ou à un autre.
Moi c’est en arrivant avec mes valises et mon bébé place Gramont début 2013 que j’ai entendu la première fois son nom. J’étais en effet en train d’emménager dans l’appartement que venaient d’acheter mes parents et dans lequel Paule Danjou a vécu et travaillé jusqu’à la fin de sa vie. Un appartement ancien, superbe, baigné de lumière, face au château de Pau, et aux Pyrénées, que l’on peut admirer depuis le balcon en hiver, lorsque les immenses platanes bordant le monument historique ont perdu leurs feuilles. Sur ce balcon donne un grand salon, et une petite pièce, au sud elle aussi, qui aurait été l’atelier de l’artiste. Toute recouverte de tissu bleu nuit, nous l’avons repeinte en blanc et j’y ai très vite installé ma chambre, celle donnant sur la place étant trop bruyante à mon goût. L’appartement, avant les travaux, était resté inhabité depuis la mort de l'artiste et se trouvait parfaitement "dans son jus » d'époque, avec sa salle de bain des années 50, son très vieux système de chauffage au gaz, son étrange cloison scindant le salon en deux, des couloirs par-ci, des miroirs par là. Des miroirs…qu’est-ce qu’il y en avait dans cet appartement ! Des immenses miroirs recouvrant des pans de murs entiers et se répondant les uns les autres. On en a enlevé certains, gardé d’autres. Et des placards. Dont un où il restait un tableau.
Un tableau signé Danjou en bas à droite et représentant un bouquet de tulipes. « Un tableau des années 50 » ont dit mes parents, se fiant certainement au cadre pour baser leur estimation. Ce tableau, ils me l’ont donné, mais pas tout de suite, mon intérêt pour l’artiste ne s’étant alors pas éveillé complètement.
Ce n’est que quand j’ai rencontré mon futur mari que la part de mystère et de magie autour de cette artiste a grandi peu à peu. En effet, en parlant avec lui et sa maman, nous avons fait des recoupements entre cette artiste dans l’appartement de laquelle je vivais et une patiente que son père soignait lorsqu’il exerçait en tant que kinésithérapeute à Pau…Une Madame Paule Danjou, artiste peintre résidant place Gramont, et à qui il avait acheté un tableau de paysage pour l’offrir à sa femme. Plus tard, en 1994, les parents de mon mari achetèrent d’autres oeuvres d’elle lors d’une vente aux enchères pour une bouchée de pain. La dame était décédée l’année précédente et plusieurs tableaux avaient alors été mis en vente, certainement par ses descendants. Ce qui est terrible, c’est que 25 ans plus tard, nous sortons nous-mêmes d’une vente aux enchères chez Maître Carrère et Laborie, où l’artiste est visiblement toujours aussi peu connue et peu cotée. J’ai été la seule à enchérir et j’ai obtenu 3 tableaux d’elle pour trois fois rien. Et pour cause : le commissaire priseur ne disposait visiblement d’aucune information à son sujet, il ne se savait même pas qu’elle était de Pau puisqu’il n’a pas classé ses oeuvres dans la catégorie des « oeuvres d’artistes locaux », ce qui aurait permis d’éveiller au moins l’intérêt des acheteurs palois présents dans la salle. Il trouvait toutefois que ces tableaux n’étaient pas dénués d’intérêt si l’on en croit sa petite boutade lorsque j’ai levé la main : « Vous avez bien raison, si j’étais à votre place, je ferais de même. Je ne peux pas vous garantir que vous pourrez un jour refaire le toit de votre maison avec, mais qui sait… ».
A sa décharge, quand on fait des recherches sur internet, on ne trouve presque rien au sujet de Paule Danjou. Ce travail de recherche a eu toutefois 2 avantages :
- Celui de me rappeler le temps où je travaillais chez Artprice, dans les années 2000, en parallèle de mes études d’histoire de l’art, et où j’avais pour mission de créer les fiches biographiques des artistes non répertoriés dans l’immense base de données permettant aux acteurs du marché de l’art de disposer d’une information fiable sur la cote des artistes…Travailler dans « La Demeure du Chaos » a été une expérience extraordinaire dont je me rappellerai toute ma vie. J’ai plaisir à repenser à ce temps-là...
- Celui de me donner une envie : faire enfin parler de Paule Danjou, dire que son oeuvre ne mérite pas l’oubli dans lequel elle erre aujourd’hui. Je suis sûre que d’autres palois ont chez eux un tableau d'elle ou ont croisé un jour son chemin, et s’ils me lisent, je serais tellement heureuse qu’ils me contactent et qu’ils me partagent leur souvenir avec cette artiste, leurs connaissances à son sujet, et pourquoi pas imaginer d’organiser ensemble une exposition rétrospective à son sujet à Pau ? Le Pavillon des Arts s’y prêterait bien par exemple. Ce serait un beau cadeau post-mortem à faire à cette artiste dont l’âme semble encore flotter avec bienveillance sur la ville...
Concernant mes recherches à son sujet, voici les informations dont je dispose. N’hésitez pas à compléter ou corriger si nécessaire, en commentaire ou via le formulaire de contact de mon blog si vous préférez rester discret :
- "L’on ne possède finalement que peu de renseignements sur Paule Danjou, sinon qu’elle fut active sur la région de Pau où elle enseigna les Beaux-Arts et où elle eut de nombreuses expositions. Il s’agit probablement de Madame Danjou qui exposait au Salon des Artistes Français en 1945. J'en ai souvent croisé au cours de ma carrière paloise, ce qui me permets de dire que celui-ci est relativement ancien dans son œuvre, probablement vers 1950, son style devenant progressivement par la suite plus anguleux (voir aussi notre «Mère et enfant»), puis évoluant vers l’abstraction. Ces «Trois femmes nues sur la plage au crépuscule», d’un style entre Marie Laurencin et Souverbie, parfaitement construit et équilibré est peint sur toile 77 X 90 cm, présenté dans un cadre doré plus récent 89 X 102 cm." Eric Lhoste, galeriste à Pau et Biarritz
- Avec Marie-Anne Brun de la Serve, fondatrice de l’école des Beaux-Arts de Pau, Paule Danjou fonda en 1983 l'Association "L'art pour l'art" dans le but d'enseigner bénévolement la sculpture et la peinture. Voici un portrait de Marie-Anne Brun de la Serve par Paule Danjou :
Voilà c’est à peu près tout. J’ajoute les quelques photos d’oeuvres de Paule Danjou que j’ai glanées ça et là, ainsi que sa signature…Mais peut-être en avez-vous aussi ? Je serais ravie de compléter cet article avec vos contributions.